Tout le monde connait Port-Anna au bout de la presqu'île de Langle, en bas de la butte de Bellevue, qui fait face au village de Moréac en Arradon et à l'ïle de Conleau à Vannes.
Mais Port-Anna est récent dans l'histoire de notre commune. (lire article dédié). Un autre port a exité à Montsarrac qui resta actif durant toute la seconde moitié du XIX°siècle. Le port fut aménagé tout en bas de la rue qui descends depuis le calvaire (lire article sur le patrimoine) qui passer près de la fontaine de Montsarrac (lire article sur le spuits & fontaines) et poursuit vers l'île de La Garenne...
Au début l'usine chimique de Montsarrac :
Sous le Second Empire, la France devient un pays industriel. Les sciences progressent, des projets industriels fleurissent sur le territoire national. A Vannes, plusieurs associés, Charles MORIO [12/10/1819 - 15/7/1883], pharmacien à Vannes, Louis DANET, ex-pharmacien à Brest et les frères Bon et Eugène LAGILLARDAIE [9/11/1823 Auray - 25/3/1904 Paris], négociants, créent une société en janvier 1853 pour la fabrication de produits chimiques. Dès septembre 1854, l'entreprise est primée à Rennes comme nous le relate le Courrier du Morbihan.
En juillet 1857, la société de produits chimiques Lagillardaie Frères est dissoute.......par acte du tribunal de commerce. L'usine trouve un repreneur comme nous l'indique l'annuaire de 1864. M. Charles Auguste Ange OUIZILLE [29/9/1822-26/4/1881] a repris l''activité à Montsarrac. La famille Ouizile est apparentée à la famile Lagillardaie.
Les douaniers en poste sur Séné participent au contrôle de cette activité.
Le 9 avril 1853, les frères La Gillardaie, de Vannes, sont autorisés à installer au lieu dit « La Garenne », sur la commune de Séné, une fabrique de produits chimiques : sulfate de potassium, chlorure de potassium cristallisé, alun, nitrate de potasse, iode, brôme…
Tous les ans, des échantillons de chlorure de sodium sont prélevés par les douanes et examinés. En 1860, c’est M.Perrin, pharmacien place Henri IV, qui en est chargé. Par la suite, les échantillons sont envoyés à Nantes.
Voici le certificat de prise d’échantillons dressé le 23 août 1862 :
« Nous soussignés Brière Henri, commis des Douanes aux Quatre Vents (Commune de Séné) et Lhôte, patron des mêmes douanes à Mont Sérac, certifions que, par suite de déclaration enregistrée sous le n°3 au bureau des Quatre Vents et faite ce jour au nom de Mr Ouizille fils, propriétaire de l’usine de Mont-Sérac, par Mr Boutillier son fondé de pouvoir, pour la quantité de cinquante trois mille kilogrammes de chlorure de sodium impur que l’on se propose d’expédier à Rouen ; nous avons procédé au prélèvement d’échantillons qui doivent être soumis à l’examen des experts désignés par le préfet du Morbihan pour savoir s’il y a lieu de délivrer le certificat d’innocuité prescrit pour la consommation de ces produits. Nous avons, en conséquence, retiré de différents endroits de la masse de chlorure de sodium des petites quantités de ce produit qui ont été mélangées en notre présence et placées ensuite dans deux bocaux scellés de notre cachet et de celui de Mr Boutillier.
Fait à Mont Sérac le 23 Août 1862 ».
L'activité de fabrication de produits chimiques perdurera jusqu'en 1881 date du décès d'Auguste OUIZILLE négociant et banquier de Lorient [29/9/1822-26/4/1881]. Charles MORIO demande la dissolution de leur entreprise. Il semble qu'il décide de continuer seul l'activité et il obtient un prix en juin 1883. Cependant, en septembre 1883, l'usine est mise en vente. L'annonce de sa vente nous renseigne sur la fabrication de produits chimiques qui avait lieu à Montsarrac.
Maître Torterie, notaire et Maître Regnault avoué licencié, administrateur de l'usine en liquidation, nous dressent un inventaire complet des biens mis à la vente :
bureau; casier; tables; meubles et objets divers; bariques et futailles; cercles de barriques; cuves et casiers à lessiver en bois; moulin à vanner; fourneau; table et cribles à huîtres; plateaux de bascules; caisses; cuves; chaudières et plaques en fonte et tôle; vieux treillage, une grande marmite en fonte; pompes en plomb; un treuil; chariot en fer; une drague; une cuve à pétrole; une machne; roues en fonte et en fer; une turbine, machine à vapeur; pompes en zinc; une presse; tuyaux et conduits en fer et fonte; une grande cuve de bois de chêne; matériel et débris en plomb, cuivre et fer en grande quantité; paniers; bascule; balance; grande quantité de flacons; pots et touques de diverses dimensions en verre et terre; bouchons de liège; poulies, cordages; mâts; avirons, bateau, etc, etc,
Livres de chimie et pharmacie; plusieurs blances cuivre et platine; sous vitrine; boussoles; instruments de précision, pilons, cloches, cornes, filtres, tubes, entonnoirs et autres instruments de chimie en verre; tubes de cuivres; boites; produits chimiques et pharmaceutiques en flacons et bouteilles tels que, ammonique, sulfures de carbone, acides divers, acide hydrochlorique pur, acide nitrique pur, perchlorure de fer, arsenite de soude normal, cent douze flacon sde brôme, chlorure de platine, acide acétique cristallisable, acide chlorhydrique, éther, éthérolé d'iode, nitrate de palladium; acide sallycilique, azotate de baryle, acide azotique, nitrate d'ammoniaque aniline, acétate d'urane, magnésie calcinée, soluté de brome et de chlore, sulfate de fer, sulfate de cuivre, acétate de plomb, sulfate de zinc, noitrate de plomb et autres...Résidus de soude, phosphate, chlorues de potassium, cristaux de soude, chlorate de potasse en sel et sulfates etc, sacs.
L'extraction d'iode à partir de "pain de soude" :
L'usine de produits chimiques de Montsarrac produisait de l'iode et du iodure de potassium à partir de "pains de soude" produits par des usines en Bretagne qui trataient le varech récolté en mer. L’iode était utilisée en médecine et en photographie.
Société de Traitement Chimique des Algues
Usine de Trégunc (Finistère)
Extrait wiki-pedia : L'essor des industries de fabrication de l'iode à partir du goémon
Initialement utilisé presque uniquement comme engrais, l’usage industriel du goémon se développe à partir de la fin du XVIIIe lorsque ses cendres, les « soudes de varech », riches en carbonate de sodium, entrent dans la fabrication du verre ; on s’en sert aussi en savonnerie, pour nettoyer le linge, teindre des étoffes… L’invention de Nicolas Leblanc, qui mit au point en 1791 un procédé de fabrication du carbonate de sodium à partir du sel marin provoqua la ruine des « soudiers ».
Mais en 1812, Bernard Courtois découvre que l’on peut obtenir de l’iode à partir de cendres de varech. Ce n’est toutefois qu’en 1829 qu’ouvre au Conquet (usine Tissier) et d'autres la première usine bretonne d’extraction d’iode obtenu par calcination du goémon dans des fours à soude. Des usines à iode se créent le long du littoral breton (on en compte 18 à la fin du XIXe siècle le long du littoral breton), par exemple à Pont-l’Abbé en 1852, Vannes en 1853, Quiberon en 1857, l’Aber-Wrac’h (usine Glaizot) en 1873, Guipavas en 1877, Lampaul-Plouarzel et Audierne en 1895, Loctudy et Kérity (Penmarc'h) en 1914, faisant travailler en tout plus de 300 ouvriers à la veille de la Première Guerre mondiale.
On comprend pourquoi des pharmaciens sont à l'origine de l'usine d'extraction d'iode à Montasrrac.
Il fallait récolté 25 tonnes d'algues frâiches pour obtenir 5 tonnes d'algues séchées.
Extrait des annales de géographie, 1947 Marcel Gautier :
Le goémon séché en plein air, est mis en meules couvertes de gazon puis brûlé dans des fours à fosses analogues aux anciens fours à varech du XVIII°siècle, où on produisait en Normandie la "soude" réclamée par les verriers. Il s'agit de rigoles (0.6 m de large, 0.4m de profondeur, 10 à 15 m de long) grossièrement maçonnes en granit particulièrement choisi pour éviter qu'ilne "brîle", c'est à dire qu'il ne s'écaille, sous l'action d'une température atteignant jusqu'à 800°. La fumée des fours, au moment du travail, abscurcit toute la côte des goémoniers. Quelques "brûleries" en briques, plus perfectionnées, existent à Plouguerneau, Portsall, l'Aver Wrac'h, Argenton. Le produit de combustion, la "soude" masse vitreuse et scoriacée, découpé en pain, est vendu aux usines après titrage variant de 0,3 à 1,8%. Toutefois, à l'île Calot, près de Carantec, cette vente se fait aux enchères. L'extraction d'iode entraine une série d'opérations pendant l'obtention de liqueurs toujours plus concentrées. les sous-produits de fabrications sont vendus comme engrais (poudrettes).
L'arrêt de l'activité et la vente de l'usine :
La vente de l'usine se réalisera en plusieurs étapes si on en croit ces annonces de presse. Au delà des produits chimiques et du stock de l'ancienne activité, l'usine comprenait des bâtiments intéressants qui malheureusement tombèrent en ruines. L'époque n'était pas à la résidence secondaire "les pieds dans l'eau" d'autant que le lieu devait sans doute être pollué...
Le 7° lot dresse l'inventaire des bâtiments : quatre corps comprenant magasins, ateliers, remises, écuries, chambre d'habitation, jardin, cour, puits, carrière, une grande pièce de terre plantée en partie de sapins, le tout enclos d'un seul tenant pour une contenance d'envrion 2 ha. 25.000 frs de mise à prix.
L'ancienne usine à iode échut à la commune de Séné qui s'en désaisit vers 1930. Elle fut acheté par la famille Giannerini, maçons à Séné, qui y fit pendant quelques années une extraction de pierres. Dans les années 2010, elle fut acquise et rénovée en maison d'habitation.
La construction de la cale de La Garenne, la naissance du port de Montsarrac :
Maxime MAUFRA [1861-1918],
1910 - La plage de saint-Pierre de Quiberon, L'usine à iode.
Huile sur toile - Collection particulière.
L'usine chimique était située sur l'île de la Garenne au bout du village de Montsarrac. Dès 1853, les propriétaires adressent une demande en préfecture pour être autorisés à construire une chaussée au pied de leur usine. Ils ont besoin de recevoir les pains de soude des usines du nord Finistère. Peu à peu, la cale privée devient le quai fréquenté par des bateaux faisant du cabotage.
Avec quelques mots clefs judicieux, un peu de patience, on retrouve sur le site des archives du Morbihan, des vieux articles de journaux qui nous relatent l'activité maritime à Montsarrac. On parle de "Mouvements des Navires de Commerce" au port de Montsarrac comme pour celui de Vannes, de Port Navalo etc.. Le Golfe du Morbihan, à une époque où le transport routier n'est pas développé, est emprumpté par un tas de bateaux, de caboteurs qui transportent vivres (vin, pomme de terre, sel), des matières, bois, charbon et poudrette (engrais) et les pains de soude nécessaires à l'usine de Montsarrac. Ils emportent également du sel en provenance des marais salants de Séné et du petit équipement, fûts de vins et touques vides (récipient métallique).
En septembre 1874, le lougre Jeune-Alfred, du capitaine Crabot, parti du port de l'Aber Wra'ch avec un chargement de soude à destination de Montsarrac fit naufrage sur les roches de Portsall, comme nous le relate cet article du Journal de Vannes.
La dernière mention du port de commerce de Montsarrac trouvée dans la presse locale date d'octobre 1897.
La prospérité du village de Montsarrac à Séné :
Durant ces années 1850-1890, le village de Montsarrac sera relativement prospère. Selon le dénombrement de 1886, le village est habité essentiellement de famille de marins, quelques pêcheurs et pêcheuses [catégorie différente des marins, sans doute pêcheurs à pied), leurs épouses sont des ménagères. Parmi les marins, 5 maîtres de cabotage.
Pêcheurs d'anguille, gravue de jean Frélaut. Tout y est : la plate échouée en bordure de la vasière, les sabots-plats pour progresser et le vivier attaché autour de la taille du pêcheur. Le geste indique qu'il faut taper fort dans la vase pour surprendre les anguilles enfouies. Au second plan, un sinago est mouillé dans le milieu du chenal. (Texte G.Millot)
Cette statistique de 1898 rend compte du type de pêche pratiquée par les marins de Montsarrac, village traité à part par l'administration maritime de l'époque. On ramène à quai du poisson frais de la pêche littorale, 680 Kg, des anguilles et autres poissons de rivières pour 1840 Kg, 160 Kg de goémon, 690 Kg d'espèces diverses, 120 Kg d'huitres indigènes, soit 3.490 kg de "rendement mensuel de la pêche au port de Montssarac" [env 42 T par an], à comparer aux 42.446 Kg débarqués à Séné en un mois.
On compte aussi des journaliers et des journalières. 2-3 retraités; un propriétaire, M. de Castellan au château de Bot-Spernen (lire article sur le château) . Un étudiant et pas mal d'enfants de tout âge dont un enfant de l'assistance publique placée chez une famille..
Le village compte aussi avec 4 cabaretières, un boulanger et 3 aubergistes femmes, Marie PLUNIAN, 41 ans, Mouise LOISEAU, 43 ans et Marie TREHONDART qui servent à boire et à manger aux pêcheurs et marins du port, à des journaliers et aux ouvriers de l'usine à varech... On dénombre aussi un charretier, un maçon, un garde maritime et 3-4 familles de cultivateurs.
Une école sera même ouverte entre 1867 et 1873 à Montsarrac tenue par une soeur des Filles du Saint-Esprit qui vient du bourg mais où?. (lire article sur les écoles). En 1869, le village a failli se doter d'une vraie maison d'école. On retrouve aux archives du Morbihan, le plan envisagée pour cette école. Le conseil municipal ne suivra pas le souhait du Prefet argumentant qu'il préfère privilégier les classes du bourg. Elle devait être construite sur la parcelle n°480 cadatrée en 1845, soit aujourd'hui en venant de Bilherbon vers Montsarrac, au tout début de la côte sur la gauche.
Le garde maritime à Montsarrac, était sans doute posté dans la guérite de l'île de la Garenne, d'où il pouvait suivre les mouvements des bateaux chargés de sel et surveiller les concessions ostréicoles.
L'activité du port décroitra et le souvenir d'un port à Montsarrac s'évanouira. Plus tard, Port-Anna, 2° port à Séné, installé en "eaux profondes" prendra le relai avec la pêche et l'ostréiculture.