Au temps jadis, dans une société à la fois paysanne et maritime, on produit localement presque tout ce dont a besoin la communauté de cultivateurs, de paludiers et de pêcheurs : le blé pour le meunier; le sarrasin pour la bouillie; les volailles pour le potage dominical; le cochon et le sel pour la charcuterie; le choux et les légumes de saison au potager; poisson frais et crevettes à volonté. Quels sont les autres besoins?
1-Les premiers épiciers de Séné...
Le dénombrement de 1841, nous indique la présence de quelques commerces. Bien sûr les boulangers, un boucher, un marchand de tabac et un marchand de fruits comme le montre l'extrait ci-dessous.
Perrine CONAN, veuve de Guillaume LE FRANC, vient de perdre son second mari Louis NICOLAS dont elle eu une fille Jeanne Marie NICOLAS. A la mort de son père, Jean Joseph CONAN, elle accueille sa mère Louise EHANNO et déclare l'activité de marchande de fruits au bourg de Séné.
Cet extrait d'un acte de mariage de 1859 entre Jean Louis LE GREGAM, maître au petit cabotage et Rosalie EVENO, nous indique que la jeune mariée et sa mère Marie Jeanne COLENO sont épicières à Séné. Tout comme Marie Françoise EVENO, sa soeur, qui se marie le même jour, avec Sylvestre NOBLANC. [Lire Histoire des Noces]
Plus de 25 ans plus tard, l'annuaire du Morbihan de 1886, nous donne les noms des commerçants établis à Séné : un boucher, des boulangers, un briquetier, des marchands de tissus pour la voile des bateaux des pêcheurs et pour les nombreuses couturières de Séné qui confectiennet les habits de tous les jours et du dimanche. On ne s'étonnera pas de la présence de deux merceries qui vendent les boutons et le fil à coudre. On décompte également 3 épiceries et un négociant.
On retrouve la famille de Paul ROBIN, au dénombrement de 1886. Le négociant vend des légumes et des engrais à la Grenouillère. Que fait cette famille originaire de Poitiers à Séné?
Au bourg, on retrouve l'épicerie tenue par Rosalie EVENO, et son mari, Jean Louis LE GREGAM, désormais maître de cabotage , aidée par deux de ses filles, Marie Louise et Marie Rose.
Marie Anne LE GALLES, la soeur de l'ancien maire, Vincent Pierre LE GALLES, est mercière épaulée dans sa tâche par deux nièces, Marie Françoise NOBLANC et Marie Julienne LE GALLES.
Le village de Cadouarn compte avec deux commerçantes. Paterne GREGAM, épicière qui vend aussi des tissus (rouennerie) aux nombreux marins pêcheurs pour la confections des voiles rouges; c'est en quelque sorte l'ancêtre des voileries actuelles. Marie Vincente PIERRE, épicière, loge sa cousine Marie Anne LE GREGAM, répertoriée en lingère mais qui pourrait également vendre des tissus comme indiqué sur l'annuaire. Marie Vincente PIERRE a arrêté la pêche suite à la noyade de son père et de sa soeur en 1865.
Comparaison de l'annuaire et du dénombrement : il reste à identifier les merceries de M. Le Franc et S. Noblanc, l'épicerie de Veuve J. Noblanc.
Cinq ans plus tard, en 1891, le dénombrement de la population pointe plusieurs commerçants. Au bourg, une marchande de tissus, Jeanne Louise JOUAN, dont le nom est déjà répertorié dans l'annuaire de1886.
Toujours au bourg, on retrouve Jean Louis LE GREGAM qui vient de perdre son épouse Rosalie EVENO et sa fille Marie Rose. Il a pris l'épicerie en main, épaulé par ses filles Marie Louise et Marie Célina.
Quelques part au bourg, sa belle-soeur Marie Françoise EVENO et son mari, Sylvestre NOBLANC tiennent un commerce. Pas très loin d'eux, Anne DANET est "revendeuse".
A Cadouarn, Paterne GREGAM, âgé de 73 ans, tient toujours son commerce de tissus avec l'aide d'une jeune domestique.
Au dénombrement de 1901, on compte 9 familles d'épiciers à Séné et chaque gros village a son épicerie. Au bourg, l'officer du dénombrement fait figurer côte à côte 3 familles de commerçants aux activités complémentaires : Jeanne Louise JOUAN, épicière ou plutôt vendeuse de tissus et rouennerie; Marie Françoise EVENO, veuve de Sylvestre NOLBLANC est mercière; L'ancien maître de cabotage Jean Louis LE GREGAM, après 10 ans en tant qu'épicier, suite au décès de son épouse, Rosalie EVENO, déclare désormais l'activité d'ostréiculteur. Ses filles Marie Louise et Marie Celina ont repris l'épicerie de leur mère.
Toujours au bourg, les soeurs COLENO, cousines des EVENO? sont aussi épicières
Encore au bourg, Julienne GUYOT est épicière, activité qui sied à cette veuve avec 4 enfants sous son toit. Son aîné, épicier, Patern LE CORVEC deviendra maire de Séné. Après guerre, ce commerce, situé place de l'Eglise, ne sera plus qu'un café.
Egalement au bourg, Pierre ALLANO et sa seconde épouse Marie Louise SAVARY sont épiciers. Il reprendront la boucherie du bourg qui se situait place de l'Eglise.
Au village du Ranquin, Angèle NOBLANC est épicière;
Au village de Cadouarn, Marie Louise JOUANGUY est épicière;
Au village de Langle, Prudence NOBLANC est épicière;
Au village de Montsarrac, Louise LE DIGABEL, épouse en seconde noce de Jean LE ROUIC, est épicière dans ce gros village de Séné, où le port et les salines font vivre de nombreuses familles.
2-L'arrivée des épiciers "professionnels" :
En 1906, au village de Langle, on retrouve Prudence NOBLANC établie comme épicière; ce village de pêcheurs compte aussi avec l'épicerie de Marie Augustine LE BLOHIC.
En remontant vers le bourg, Marie Françoise JOUANGUY est épicière à Cariel. Il s'agit de la soeur de Marie Louise JOUANGUY qui a sans doute arrêté d'être épicière au décès de son second mari, Vincent DORIOL après 5 mois de vie commune...
C'est au bourg que l'on compte pas moins de 5 épicières. On retrouve Jeanne Louise JOUAN, âgée de 53 ans et épaulée par sa nièce.
Chez les Le Gregam-Eveno, il y a du changement. Le père Jean Louis LE GREGAM, âgé de 70 ans, a la double activité d'épicier et de cultivateur. Ces filles sont devenues couturières.
Car la concurrence entre épiciers est nombreuse au bourg. Aux côtés de Patern Marie LE CORVEC et de sa femme, Jeanne Louise SEVIN, qui deviendront mareyeurs après guerre, il semble que 2 épiciers plus "professionnels" se soient établis au bourg de Séné.
Hippolyte TABARY est déjà épicier à Noyalo, losqu'il se marie avec Marie Louisa LE DUC. C'est la soeur du soldat Joseph LE DUC, natif de Séné, Mort pour la France pêndant la 1ère Guerre Mondiale. Leurs enfants naitront à Sarzeau, où déjà TABARY était épicier. Cependant, les Tabary-Le-Duc laisseront leur épicerie au bout de quelques années, face à la concurence des Janvier-Robino et iront s'installer à Vannes comme nous l'indique l'extrait de sa fiche de matricule.
3-L'arrivée des Robino-Janvier du bourg :
Lors de son mariage en 1885 avec le marin Guillaume JANVIER, Anne Marie Françoise ROBINO est boulangère chez son père, installé à Montsarrac. Elle est allée sans doute aider sa tante Marie Louise LE DIGABEL qui est aubergiste-épicière à Montsarrac.
Au alentour de 1902-1905, Les Janvier-Robino reprennent la boucherie de Mathurin ALLANO au bourg, pour y ouvrir une épicérie. Sur cette vieille photo de famille, on reconnait la deventure de l'épicerie. La maison de pierres à gauche, était la maison Simon, qui sera détruite pour laisser place à la nouvelle mairie. Sur la carte postale ci-dessous, il s'agit du commerce à gauche au premier plan, avec une devanture.
Guillaume JANVIER est natif de Kerbors dans les Côtes du Nord. Son père Guillaume était marin sur les lignes transatlantiques. Il décèdera de la variole à l'hôpital BlaksWells de New-York, alors qu'il était embarqué sur le "Pereire". Quelles raisons poussèrent le jeune Guillaume à venir sur Séné? Est-il venu régulièrement au port de Montsarrac livrer des pains de soude? On en saura plus si on trouve sa fiche d'Inscrit Maritime. Au dénombrement de 1886, la jeune famille est présente au village de Montsarrac. Guillaume est marin au long cours.
4 Les épiciers avant la Grande Guerre
Lors du dénombrement de 1911, on retrouve au bourg l'épicerie de Jeanne Louise SEVIN, épouse de Patern CORVEC qui est cabaretier. La double activité cabaretier-épicier était assez fréquente.
Toujours au bourg, Jeanne Louise JOUAN déclare l'activité d'épicière. Elle semble ne plus vendre de tissus. Cette activité de rouennerie est désormais assumée Emeline Maria Angelina NOBLANC et sa soeur Marie Françoise Anastasie NOBLANC, cousines de Marie Célina LE GREGAM et Marie Zenaïde LE GREGAM qui continuent l'épicerie familiale.
D'autres cousines, Jeanne Marie LE GREGAM et Marie Louise LE GREGAM sont aussi épicières.
Jeanne Marie LE NEZET et sa jeune soeur Marie Vincente LE NEZET sont également à la tête d'une épicerie.
On aura noté que les épiceries, merceries et rouenneries sont surtout tenues par des femmes. Jeune, veuve ou mariées, le commerce est une activité féminine. Bien que ces commerces n'aient pas a priori de fonds de valeur, à part la valeur du stock, comme pour les fours des boulangers, il y a une "transmision" au sein des familles.
Au bourg, Anne Marie ROBINO, qui a perdu son mari Guillaume JANVIER en 1906, ajoute à son activité d'épicière, celle de rouennerie, vendeuse de tissus pour les voiles des bateaux.
Enfin sur Cadouarn, Marie SAVARY est également épicière.
Bientôt va éclater la guerre. La famille BOCHE de Bilherbon verra ses 6 garçons mobilisés dont 2 mourront au combat. Leur plus jeune frère était garçon épicier à Vannes avant d'être mobilisé avec la classe 1916.