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lundi, 06 avril 2020 18:38

VESTIGES DE L'OCCUPATION ROMAINE, par l'Abbé LE ROCH

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2. L'ANTIQUITE 

Sur la voie romaine Nantes-Vannes-l'Aberwrach, qui passait sur le territoire actuel de Séné, s'embranchent bon nombre de voies secondaires qui rejoignent toutes le Golfe: par exemple celle qui partait de Vannes, passait par Séné, desservait Gornevez, Moustérian, Auzon, quittait Séné à Montsarrac, rejoignait Le Hézo (le bras de mer était plus étroit que maintenant) : axe qu'on a continué à utiliser au Moyen-Age.
L'artisanat, sans doute établi plus tôt, reste actif pendant la période romaine poteries (trouvées en 1891 près de la Grotte de JeanII), morceaux de tuiles à rebord (à Montsarrac, Bellevue, Dolan, St Laurent, Moustérian, Michotte), carreaux de dallage (à Kerdavid), restes de murs romains (à Auzon), briques (à Méniec). Ces vestiges en constituent la preuve.
Dès le IVème siècle, et peut-être avant, existe le vocable SENAC, nom de la bourgade et des habitants, qui fait au pluriel SENAGO. Le suffixe vient bien du -ACUS latin, non de l'-ACOS celtique.
Existence de voies romaines vers le Golfe, vestiges d'habitations gallo-romaines aisées, vocable gallo-romain imposé : autant d'indices de l'existence d'une colonie d'estivants galle-romains assez nombreuse.

VESTIGES DE L'OCCUPATION ROMAINE A SENE

Quelques années après là démolition de l'ancienne église paroissiale, en 1885, Ernest RIALLAN parcourait le territoire de la connnune à la recherche des traces laissées par les Romains. Il a consigné ses découvertes dans une brochure imprimée en 1886 et que nous avons sous les yeux. Voici ce qu'il a trouvé :

          a/ au BOURG

"L'ancienne église paroissiale de Séné, dont l'époque était conjecturale, a été démolie en 1877 et remplacée par une autre plus vaste. Le cimetière qui l'entourait a été reporté en dehors du bourg. M.GUYOT, JOMARD et moi avons relevé dans le sol autour de l'église neuve, près de ses murs, principalement des côtés sud et est, de grands et de menus fragments de tuiles romaines ayant leur rebord. Il était impossible de les confondre avec d'autres fragments de briques modernes qui parsèment aussi le sol et proviennent de la construction récente. Le presbytère touche à l'église; le jardin qui y attient et en dépend, et surtout sa partie Est contient une grande quantité de fragments de tuiles à rebord, de tuiles de recouvrement et de briques romaines. On les rejette hors du jardin dans un terrain vague ou chemin. Nous avons remarqué des briques de même origine et des pierres brûlées dans le mur Sud de ce jardin, le long d'une venelle.

Il paraît donc certain que la chapelle primitive de Séné a été construite sur les ruines d'une habitation romaine et que les chapelles qui lui ont succédé ont été édifiées sur le même emplacement.

Nous avons observé, à quelques pas du cimetière nouveau, dans un chemin et au bord de la route du Bourg à Vannes, un monolithe qui nous a paru être un ancien menhir et dont la partie supérieure a été taillée en forme de croix. Sa hauteur est de 1,80 m. La largeur aux bras de la croix est de 55 centimètres. Cette croix romane est toujours à sa place ( voir Photo ci-contre)

Le roch croix romaine

          b/ à KERLEGUEN et KERARDEN

A Kerléguen, village situé sur le sommet d'une colline et siège d'une ancienne seigneurie, nous avons trouvé dans le sol rocheux d'une cour de ferme et devant la maison de Marie Jeanne LE DUC, des fragments de "teguloe" (tuiles) avec rebord et quelques autres de briques romaines. Les débris de teguloe avaient encore le crochet caractéristique prouvant leur authenticité. Là aussi, il y a eu un habitat romain, mais il en reste à peine quelques vestiges.

A l'entrée Nord du village de KERARDEN, situé à 500 m de KERLEGUEN au sommet d'un grand plateau, nous avons constaté la présence de nombreux fragments de tuiles à rebord et de briques romaines. Il y en a dans le sol, parmi les pierres, devant la maison de M. NOBLANC et celle voisine de M. DORIOL.

Il s'en trouve davantage encore à l'autre extrémité du village dans le sol devant l'habitation de François QUESTER. On en voit aussi dans les chemins de ce village qui s'étend en longueur. M. QUESTER, en labourant un champ nonmé OVERTIN, à plusieurs centaines de mètres au Sud-Est du village, près d'un marais et d'un bras de mer et compris dans une grande pièce appelée PENAVAL, y a trouvé et ramené à la surface plusieurs fragments de tuiles à rebord et de briques. Il les a conservés et ramenés chez lui alors qu'il avait beaucoup d'autres pareils qui rougissent le sol devant sa porte.
Cette butte dominant le fond du golfe a dû être occupée par des postes romains et même par des villa et constructions importantes.

          c) à MOUSTERIAN.
Les lieux nommés Moustoir, en breton MOUSTOER, sont nombreux dans le Morbihan. Ces noms indiquent qu'il y a eu dans ces lieux des monastères détruits probablement par les Nonnands au IXe ou Xème siècle.
Celui de MUSTERIAN (Moustér-Yann) a vraisemblablement occupé la place d'un établissement romain. En effet, dans un endroit nonmé "LEUR-GUER: aire du village", cadastré Section G n° 633, joignant au Nord le village de MOUSTERIAN, ancienne seigneurie, et dont une partie s'appelle CALAFRE, on a extrait des tuiles à rebord et des briques romaines mêlées à de la cendre. On sait qu'au départ de l'armée romaine d'occupation, au Ve siècle, leurs établissements ont été brûlés.

          d) à CANIVARC'H.
En juillet 1885, on démolissait dans ce village un très vieux mur menaçant ruine et formant le côté Est d'une maison habitée par M.ROZO, cultivateur ; On trouva dans ce mur, une hache préhistorique en pierre, appelée "CELTOE", que les habitants gardèrent quelques jours. Elle était posée à plat à l'intérieur du jambage de la seule fenêtre de la chambre principale, au rez-de-chaussée, à environ I m de hauteur au-dessus du sol, 20 cm au-dessus de l'appui de la fenêtre et 20 c:m dans l'épaisseur du mur.
Ce celtoe de 12 cm de long, 4 cm 3/4 de largeur au tranchant et d'un peu plus de 30 cm d'épaisseur, était en diorite, de forme régulière, un peu massive, et avait reçu un beau poli. Il était assez bien conservé. Seuls, le bout de la pointe était cassé et le tranchant très émoussé comme par percussion.
Evidemment, ce "mèn-gurun : pierre de tonnerre" comne l'appellent les paysans, avait été placé dans ce mur avec intention, sans doute comne préservatif de la maison et de ses habitants, gens et bêtes, contre une foule de malheurs : maladies, fléaux du ciel, surtout la foudre, maléfices de tout genre.
Cambry, dans son ouvrage "Voyage dans le Finistère", rapporte que les Bretons enchâssent un silex dans les murailles de leur maison pour la préserver du tonnerre ; et J. Miln, dans ""Fouilles à CARNAC", dit qu'on avait coutume à CARNAC, à la fin du siècle dernier encore, de mettre une hache en pierre dans la cheminée pour la même raison.

On n'avait pas encore trouvé, dans nos campagnes, de celtoe placé et maçonné dans le mur même d'une habitation et près de la fenêtre par où beaucoup de mauvaises choses peuvent entrer. Le fait de la découverte de CANIVARC'H paraît avoir été le premier de ce genre constaté dans la contrée.

N.B. A propos de la présence des Romains à SENE, il est bon de noter qu'un encroit du bourg se nomme encore COR-CASTEL ou le Vieux Château et qu'une partie de la voie romaine de VANNES à NANTES passe au VERSA et à SAINT-LEONARD.

Le roch vestiges

LE MYSTERE DES FOURS A AUGETS ET DES DEPOTS D'AUGETS

Cette question dont on parle depuis la fin du siècle dernier a fait couler beaucoup d'encre et de salive. Nous résumons ici ce qui en a été dit, espérant intéresser les habitants de SENE qui possèdent, sur le territoire de leur comnune, plusieurs gisements d'augets inventoriés par différents spécialistes.

Ces fours rudimentaires et très anciens que l'on a trouvés en grand nombre sur le littoral atlantique depuis la Vendée jusqu'aux rives de l'Odet et particulièrement dans le Morbihan: pourtour des îles du Golfe, BELLE-ILE, GROIX, côtes de QUIBERON, d'ERDEVEN, de PLOEMEUR (environs de KERROCH et du FORT-BLOQUE), toujours en bordure de la mer, servaient à la cuisson de petites auges d'argile travaillées à la main, des augets, dont l'usage pose une énigme, de même que l'identité des utilisateurs.

Creusés dans les dunes, les fours présentent une forme rectangulaire de dimensions variables, allant de 1,5O m à 3 m de longueur, de O,5O m à 1,50 m de largeur, de 80 cm à lm de profondeur. Leurs parois sont verticales et constituées d'argile enveloppant souvent des galets. Des voûtures et des entretoises d'argile cuite portatit des encoches ou parfois des barres, permettant le soutien des augets pendant la cuisson.

Les augets, de dimensions et de formes également variables (cylindriques, tronc-prismatiques dans le Morbihan) résultent du pli.age d'une galet.te très fine. Certains fours pouvaient en contenir jusqu'à 150.
Les débris de ces petites poteries, examinés au carbone 14, font remonter les dates de leur fabrication de l'an 300 à l'an 50 avant Jésus-Christ. Les lieux d'implantation des fours se situent toujours en bordure du litt~ral dans les terrains sabtonneux. Des endroits de stockage d'augets ont été repêr ês entre les fours et la mer. On n'a relevé aucune trace d'habitations à proximité des gisements, sauf en un seul endroit, mais la preuve n'a pas été faite d'une concordance des dates, les ruines retrouvées pouvant .être très postérieures à la fabrication des fours à augets. Le combustible utilisé dans les fours était le goémon séché.
Disons tout de suite que la thèse retenue jusqu'à preuve du contraire est la fabrication ou le transport du sel marin par les habitants de nos côtes. On sait qu'avec la pêche à bord des sinagots, la grande ressource de SENE au temps jadis fut l''industrie du sel, bien avant la culture maraîchère, surtout celle du chou-pomne.
Ces augets ont-ils été des salines primitives?...

A la suite de ces généralités, voyons quelles ont été les. découvertes faites successivement sur le territoire de SENE.

Dès 1886, M. RIALAN signalait le four à augets de MONTSARAC, situé sur la lande appelé "er Bill".

En 1902, M. H. QUILGARS, un spécialiste de la presqu'île guérandaise, relevait celui de MOUSTERIAN en même temps que de nombreux autres. découverts dans les parages : à ARRADON, BADEN (île longue), CRACH (Rosnarho), l'ILE AUX MOINES (près Kergonan) , au HEZO, à PENESTIN, à SAINT JACQUES en SARZEAU, sur l'îlot de MOUCHIOUSSE ...

Le Commandant BAUDRE découvrait lui-même trois petits foyers dans l'anse de MORIAC près de CONLEAU, en 1939, à la pointe de BROUEL en l'ILE AUX MOINES en 1938, à ILUR en 1948.

Etudiée et débattue depuis le début du siècle, la question des fours à augets fut posée en 190:! devant la société polymathique du Morbihan par M. QUILGARS, Divers savants et chercheurs se sont intéressés à ce problème dans notre dépattement.

En 1948, le Docteur LE PONTOIS de VANNES mettait au jour à la pointe Nord-Ouest de l'ancienne île du PESCHIT (Pesked?) près de MONTSARAC en SENE, un ancien four à augets assez bien conservé.

"Ce gisement, êcrit-il, mis à jour par un progrès récent de l'érosion marine, occupe la tranche d'une minuscule falaise de quelques décimètres de hauteur et est découvert sur une tranche presque horizontale. Les augets sont très fragiles pour être extraits autrement qu'en délitant avec un filet d'eau la terre végétale qui les englobe. Les fragments constituent presque la totalité du gisement, mais l'érosion horizontale montre en coupe, une pile, couchée sur le côté, d'augets emboîtés les uns dans les autres. De plus, le rocher mis à nu, au voisinage et au contact du gisement, a été soumis à l'action du feu, et ce rocher se prolonge , au-dessous du  niveau des hautes mers des grandes marées actuelles".

Le commandant BAUDRE et M. Yves ROLLANDO qui ont reconnu ce gisement donnent quelques explications sur la question des augets et de leur emplacement. M. ROLLANDO fait remarquer qu'au point de vue géologique, l'ancienne île du PECHIT est constituée dans sa régidn sud-ouest par une crête de gneiss, adaptée à la structure armoricaine. Elle se prolonge en direction nord-ouest par une plate-forme rocheuse située presqÜe au niveau des hautes mers actuelles (0,40 m),

Cette situation a permis aux tempêtes de suroît de regagner temporairement l'ancienne plature et de déblayer la mince couche argilo-terreuse du gisement, A l'Est, dans une 'petite anse, les gneiss passent à des mécachistes très délités, tandis que le sol s'abaisse graduellement vers les marais septentrionnaux. Il ajoute que la hauteur de ces vestiges gallo-romains découverts : Le Péchit ,0,40m; Ilur 1,40 m; au dessus des hautes marées permet d'affirmer que pendant une partie de la période gallo-romaine et au IVème siècle, la mer n'avait guère dépassé son niveau actuel.

Au sujet de l'utilisation des augets, les deux savants admettent sans toutefois s'y rallier absolument, l'hypothèse admise par M. QUILGARS, à savoir qu'ils avaient pu servir à la récolte du sel. Ils constatent qu'il n'a pas été trouvé d'augets ni de fours en dehors du littoral, au contact de la mer et que si les augets ne servaient pas à récolter le sel, ils étaient pour le moins fabriqués et utilisés par une population maritime vivant des produits de la mer.

En ce qui concerne leur âge, bien qu'au voisinage on ait parfois relevé des silex néolithiques, des briques à rebords et des poteries grises, on peut admettre qu ils datent de l'époque gallo-romaine ...Il y a lieu de noter le nombre reospectable de briquettes à gros éléments qui accompagnent les dépôts de MOUSTERIAN.

Les constatations faites à MOUSTERIAN, à ILUR aussi bien qu'à MONTSARRAC paraissent indiquer que le mode de cuisson suivant a été utilisé : four en plein air, c'est-à-dire à ciel ouvert, les augets étant déposés sur un lit de briquettes reposant elles-mêmes directement sur le sol rocheux qui a conservé des traces de l'action du feu. Le gisement de MONTSARAC est particulièrement intéressant en ce qu'il recèle d'assez !:>eaux spécimens d'augets.

Dans le bulletin mensuel ce la société polymathique du Morbihan de juillet 1964, le Docteur J. LEJARDS qui habitait SENE a résumé, en reprenant le titre de l'importante communication d'Henri QüILGARS en 1902, les découvertes et l'étude faites sur ce sujet. Yves COPPENS avait déjà dressé, en 1954, l'inventaire de ces installations industrieiles proto-historiques, mais, en l''espace de dix ans, l'inventaire de ces instatiations s'était enrichi de deux nouvelles stations sur le territoire de SENE :
-une de 6 fours, à la pointe sud de l'île de Boëd ;
-l'autre, simple dépôt, à CADOUARNE.

En outre, les installations de MOUSTERIAN qui, à l'époque, ne relevaient que 3 fours, en comptaient en 1964, neuf dans la tranche de la falaise, sans compter trois autres mises à jour sur le  dessus de cette falaise et une treizième découverte en 1964.

Dans son étude des stations connues en 1963 sur la commune de SENE, le Dr LEJARDS ne fait que frôler le problème de l'utilisation de ces augets. Il croit que leur appartenance à l'industrie du sel ne fait plus de doute, Il signale :
A - les stations de CARIEL et d'ER BILL ou MONTSARAC dont ~l ne reste plus aucune trace, la mer les ayant détruites.
B - la station du Peschit, découverte par le Dr LE PONTOiS en 1948, étudiée par le Commandant BAUDRE et Y. ROLLAND en 1949, puis par Y. COPPENS en 1954. Attaquée par la mer, elle était également en passe de disparaître. Voici la description que le Docteur LEJARDS en fait :

"Située sur une micro-falaise de 40 à 50 cm de hauteur, eile mesure de 5 à 6 m de développement dans le sens Nord-Ouest - Sud-Est, c'est-à-dire parallèlement à la côte. Elle paraît avoir été installée sur des terrasses à 3 niveaux différents. Le niveau inférieur, encore atteint par les hautes mrs, n'est plus représentée que par une zone circulaire de 0,60 m de diamètre, faite de gneiss fendillés e rougis par le feu avec, épars aux alentours et parmi les fissures de la roche des fragments d'augets. Environ 1,50m en arrière, une terrasse argileuse, présentant des traces nettes de cuisson, se développe à environ 30cm au¬dessus du niveau du précédent, sur cette terrasse, une couche d'environ 7 cm d'épaisseur faite de nombreux fragments d'augets mêlés de terre. Ce niveau peut être suivi sur 40 cm de largeur environ.

Une troisième terrasse argileuse lui succède qui présente sur 4 à S cm d'épaisseur de nombreux débris d'augets, intimement mélangés à de la terre végétale. La largeur moyenne de cette dernière terrasse semble d'environ 2,50 m. Les trois niveaux n'ont rien livré d'autre que des fragments d'au~ets et des morceaux informes d'argile mal cuite".

          C - La station de CADOUARNE
C'est une station de minime importance, située dans la petite falaise qui s'étend face à l'île de BOEDE, à gauche du chemin joignant le village de CADOUARNE aux installations ostréicoles, environ à 150 m vers le gué dit du moulin. La station c'est visible que comme une mince ligne de débris d'augets s'étendant sur environ 2 m de long à 25 cm sous la surface du sol cultivé et à 60 cm au-cessus de la plage actuelle. Cette station n'est fourni que des fragments d'augets, à l'exclusion de tout autre objet.

          D - La pointe sud de l'île de BOEDE.
Elle est riche de 6 fours disposés en un groupe de trois et trois fours isolés : une fosse en auge avec de nombreux fragments d'augets; une fosse triangulaire remplie d'argile ; une troisième de même forme contient des briques, des plaques de schiste et des augets.

          E - Le complexe industriel de MOUSTERIAN.
Il ne s'agit plus ici d'une station d'augets, ni même d'un four, mais d'une véritable usine de poterie comprenant 12 fours actuellement connus. Un treizième découvert par le Dr LEJARDS en 1964 à proximité, contenait des augets à faces parallèles n'ayant subi qu'un début de cuisson; ils étaient de teinte noire. Dans le voisinage, débris d'augets et morceaux de charbon ont été recueillis. Une superficie d'environ l a 50 ca, contigü à la zone des fours, est délimitée par les vestiges de substructions de murs en grosses pierres ! Sur le pcan cadastral, elle s'étend sur les par~ celles n•s 530, 3-1, 34 et 35 de la section G, la majeure partie se trouvant sur la parceile n° 531 appartenant à M. LE BRETON commerçant à VANNES. Les augets les plus nombreux sont tronc-prismatiques, en terre cuite très fine.
Quelques fragments appartiennent à des augets parallélépipédiques en forme de cornets d'après Y. COPPENS, dans les "annales de Bretagne 1 953", p. 360). Deux exemplaires existent intacts au musée de CARNAC. Ce sont des augets à faces parallèles. Enfin, deux fragments d'augets à fond semi¬circulaire. On a trouvé dans le même lieu des vases.

Comparaison des différentes stations entre elles.
Il est probable que les stations aujourd'hui disparues de CARIEL et d'ER BILL étaient comparables sinon identiques à celles du PESCHIT et de C.ADOUARNE. Le Dr LEJARDS voit dans ces stations, les lieux d'utilisation des augets fabriqués dans les installations plus complexes de MOUSTERIAN et de la pointe de l'île de BOEDE. Ces deux dernières comportent en effet un grand nombre de fours qui semblent avoir eu des spécialisations diverses pour la fabrication de tel ou tel type de poterie. La zone qui entoure les fours serait le premier dépôt de ces produits à leur sortie des fours.
Les stations plus modestes de CADOUARNE et du PESCHIT ne donnent que des augets tronc-prismatiques. Au PESCHIT, ces augets semblent avoir été disposés sur trois terrasses bien nivelées, se présentant en gradins et recouvertes d'argile plus ou moins cuite.
Problème de datation exacte de la civilisation industrielle des augets de terre.
On n'a jusqu'à ce jour que trois certitudes :
1° Il n'y a dans ces stations absolument rien de gallo-romain... 
Aucun vestige de cette période n'existe dans cette partie de la commune de SENE. Par contre, le dolmen ruiné de GORNEVEZE, voisin d'ER BILL et l'ensemble mégalithique de la côte.
2° La poterie assez jolie a été faite sans le seccours du tour et est d'origine indigène, faite pour un usage local. Sa grossièreté contraste avec la finesse et la bonne qualité des augets qui durent servir à L'exploitation comme emballages des pains de sel.
3° Tous ces fours ont été abandonnés précipitamnent, en catéstrophe pourrait-on dire. Tous les fours de MOUSTERIAN étaient encore plein de leur charge...A BOEDE-sud, un seul des 6 fours était vide, les 4 autres étaient dans le même état que ceux de MOUSTERIAN. Il a falluu un grand cataclysme naturel ou social pour provoquer un tel abandon précipité.

Trois hypothèses ont été émises :
       a) Celles du Dr FROMOLS et RAKOWSKI = installation gallo-romaine. Abandon précipité du aux premières invasions saxo-normandes datant de ia fin du IIIème siècle de notre ère ... Mais, une poterie si abondante, industrielle et commerciale aurait été faite au tour et surtout dans une "usine" si importante que celle de MOUSTERIAN. De plus, les poteries gallo-romaines auraient utilisé, après trois siècles d'occupation (-56 à +450), la technique romaine comportant l'emploi de la brique pilée.
       b) Si nous datons l'abandon de ces fours de la fin du Ier siècle avant l'ère chrétienne, le cataclysme social l'ayant provoqué nous paraît ne pouvoir être que l'invasion des "civilisateurs" de CESAR, l'orgueilleux pro-consul qui devait difficilement tolérer dans la "Pax Romana : la paix romaine", la survivance d'une civilisation indigène aussi peu "barbare" que celle des Vénètes.
       c) Reste à envisager l''hypothèse du cataclysme naturel : séisme ayant entraîné l'effondrement de ces points du golfe et ayant si gravement endomnagé ces installations qu'elles furent totalement et définitivement abandonnées, A quelle époque fixer cette catastrophe naturelle? Sûrement avant la fin du IIIème siècle puisqu'en certain6 points des constructions gallo-romaines sont sous-jacentes à certaines installations d'augets.
A l'occasion d'une conférence faite le vendredi 22 mai 1970 au Palais des Congrès de LORIENT, par M. GOULETQUER de RENNES, docteur ès-sciences, attaché au Centre National de la Recherche scientifique et au laboratoire d'Anthropologie préhistorique sur le thème" des fours à augets du littoral", M, MANSION a avancé une autre hypothèse sur les hommes constructeurs de ces fours et sur l'usage possible des augets. Il a en effet relevé des coïncidences curieuses dans les dates et les faits rapportés par le conférencier.

1 - Une hypothèse sur les hommes.
Les lieux d'implantation des fours et des stocks d'augets, l'absence de traces d'habitations à leurs abords laissent planer peu
de doutes sur l'état des hommes qui ont construit et utilisé ces ouvrages. Ces hommes n'étaient pas des indigènes ou habitants du pays ; vraisemblablement ils venaient de la mer. C'étaient des marins qui vivaient sur leurs pateaux, ne descendant sans doute à terre que pour la recherche de l'argile et sa cuisson. Il est même possible qu'ils n'aient pas pris contact avec les populations vivant en ces lieux. Les fours retrouvés sont éloignés des lieux habités et le combustible qu'ils utilisaient semble indiquer qu'ils ne se sont pas enfoncés dans les terres, même à quelques kilomètres, y ramasser le bois pouvant alimenter leurs foyers.
Quels peuvent donc être ces marins qui ont fréquenté nos côtes entre les années -300 et - 50 ? On sait de façon certaine que les Carthaginois et les Tyriens sont descendus sur nos rivages à ces époques reculées, Ils allaient chercher en Grande-Bretagne, en longeant les côtes atlantiques, l'étain absolument indispensable à la fabrication du bronze. Rien d'étonnant donc à ce qu'ils fassent escale sur notre littoral qu'ils avaient exploré dès 460 avant J.Christ (flotte d'HANNON), Le fait que la construction et l'utilisation des fours aient cessé vers l'an -50 apporte un élément favorab le à cette hypocnese. C'est en l'an -56 que les Romains s'installèrent en Armorique, après leur victoire navale sur les Vénètes au large du Golfe. Les Romains étaient les ennemis des Carthaginois et des Tyriens, et ceux-ci cessèrent alors de fréquenter nos côtes.

2 - Une hypothèse sur l'usage des augets.
Les augets ou débris d'augets recueillis ne présentent aucune trace d'utilisation sur place, fait qui vient à l'appui d'une idée lancée par M. MANSION dé leur usage dans un autre lieu et pour une autre denrée que le sel. Ces petits récipients d'argile cuite étaient de dimensions et de formes variables n'excédant pas les suivantes:  longueur et largeur de l'ouverture 140mm x 76; longueur et largeur du fonds: 100 rmn x 43 - hauteur environ :38 mm pour la forme rectangulaire.
Ces ustensiles de forme réduite étaient-ils bien destinés à la fabrication et au transport du sel marin ? De toute évidence, si la thèse des honnnes venant de la mer est retenue, celle du sel est à êliminer. Ils en avaient à profusion à leur disposition dans leur pays d'origine car ils n'étaient pas sans avoir observé le phénomène nàturel de l'évaporation de l'eau de mer. Et puis, le sel s'obtient sur de grandes surfaces et se transporte dans des récipients plus grands que des centaines de petits godets d'argile.
Mais pourquoi ces navigateurs qui se rendaient en Grande Bretagne, à des milliers de kilomètres de leurs ports pour y trouver un métal qui leur était indispensable : l'étain, ne se seraient-ils pas arrêtés sur nos côtes où ils savaient trouver l'argile à l'état presque pur, pour y fabriquer les augets qu'ils stockaient tout près de la mer et pour les embarquer dès la fabrication terminée?
Arrivés sur la côte Sud de la Grande Bretagne , où l'on a aussi trouvé quelques fours à augets, ils auraient fondu le produit
de leurs prospections et versé l'étain en fusion dans les augets, L'étain fond à 228°C, température que ces récipients d'argile pouvaient facilement supporter. Il est très facile à démouler, n'adhérant pas aux parois du récipient qui le contient. Obtenant ainsi des lingots d'étain, ils les auraient transportés avec ou sans les augets laissés sur place, à TYR ou à CARTHAGE ... Quant aux augets retrouvés sur les lieux de stockage ou dans les fours, ils auraient été abandonnés là peut-être parce qu'il s'agissait d'une mauvaise fabrication, peut-être aussi  parce qu'une tempête ou un ennemi avait poussé les marins à un départ précipité.
En dépit des nombreuses et diverses hypothèses qui ont été formulées, on pense généralement que les augets et fours à augets de SENE et d'ailleurs sont en rapport avec l'industrie du sel (fabrication ou préparation au transport). M. Yves COPPENS considère l'industrie des augets comme une industrie gauloise ou vénète qui a dûse poursuivre sous l'occupation romaine, mais qui n'a aucun rapport avec cete civilisation.

Cependant, le De J. FROMOLS écrivait à ce sujet le 28 avril 1953: "la tecnnique de la fabrication des augets, leur forme rectangulaire, l'extrême minceur des parois qui se joignent à angle aigu et indiquent la fabrication au moule, leur cuisson à haute température, tout cela est typiquement romain et conforme à la technique gallo-romaine des 1er et 2ème siècles de notre ère". (Bulletin Société Polymathique du Morbihan 1953-54 - Procès-verbal p.32).
La voie reste ouverte aux recherches et aux discussions et chacun est libre de se faire une opinion à propos des mystérieux augets.
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