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dimanche, 15 mai 2022 21:48

Le déposition de Leontine LE YONDRE 3/4

1ère déclaration de Léontine LE YONDRE le 25/10/1944 (texte en noir) complété par sa 2° déposition du 2/11/1944 (texte en bleu

Déclaration de madame LE YONDRE Léontine, femme LAFOURNIERE, née le 4 novembre 1905 à Vannes, sans enfant, sans condamnation.

Depuis le 24 septembre 1940, je tiens le café de ‘’La Belote’’ rue de Strasbourg à Vannes. Pendant un an et demi, j’ai vécu en bonne intelligence avec mon mari. Depuis nous sommes séparés de corps ; par la suite j’ai eu plusieurs amants dont un nommé Hans HEINTZ, sujet allemand (ou Alsacien selon sa maitresse) , il travaillait comme chauffeur à la Kriegsmarine. Cela a duré environ 7 à 8 mois. Ensuite, j’ai fréquenté un nommé Georges DEBLED, gendarme à la gendarmerie maritime qui occupait le château de Boloré à Arradon.. (Sur la photo ci-dessous, Léontine et Hans devant la porte du café de la Belote)

HEINTZ Hans LE YONDRE

L'inculpée, Léontine Eugénie Joséphine LE YONDRE:

La tenancière du bar de la Belote est la fille ainée de Marie Madeleine LE MEITOUR [1/4/1878-7/1/1943] et de Jean Marie LE YONDRE [24/5/1876 Ploeren-6/3/1944 Vannes]. La fratrie comptera 4 soeurs et 2 frères sur les 9 enfants mis au monde par leur mère. Sa jeune soeur Odile, témoignera lors du procès en rappelant que son père, ''un homme violent et sujet à l'intempérance'', l'avait contraint à quitter le foyer dès quelle le put, comme plus tard deux autres membres de la famille.

Dès sa naissance, Léontine est placée en nourrice à Plougoumelen, chez une tante, la dame LE MOUROUX, qui l'a élevée pendant onze années. C'est à Plougoumelen qu'elle est scolarisée dans une école de soeurs. A l'âge de 11 ans, ses parents qui habitaient alors rue de Bel-Air à Vannes, la reprennent auprès d'eux. Ils l'envoie d'abord à l'école des soeurs Jeanne d'Arc, puis à l'école publique Sévigné, rue Le Hellec qu'elle quitte à l'âge de 14 ans environ, après avoir obtenu le Certicicat d'Etudes Primaires Elémentaires. Quelques mois après sa sortie de l'école, Léontine est placée en apprentissage chez Mme Picard, née EPAUL Victorine, demeurant à Vannes, place de l'Hôtel de Ville. Elle est apprentie couturière puis tailleuse pour hommes. Sa soeur dira d'elle qu'elle avait un caractère très changeant et plutôt faible qui la pousse à de mauvaises fréquentations d'hommes algériens rencontrés à l'Hotel du Cheval Noir. Elle perd son emploi et décide de "monter à Paris".

Lafourniere velo

En région parisienne, elle rencontre Lucien Léon LAFOURNIERE, né le 16/7/1908 à Bautain en Haute Marne, alors courreur cycliste professionnel. Elle vivra avec lui 16 ans en concubinage avant de l'épouser dans la commune des Lilas en banlieue parisienne, le 17/9/1940. En tant que femme, elle ne doit pas pouvoir reprendre en son nom la gestion du Café de La Belote a son père, si bien qu'elle se trouve un mari pour l'occasion. Sa mère décède en janvier 1943. Elle divorce le 8/6/1943, lassé de ses infidélités et n'ayant plus l'utilité pour conserver son commerce [vérifier ces points]. Son père décède l'année suivante en mars 1944, avant la Libération de Vannes à l'été 1944.

Vannes Cafe Belote

Pendant toute l’Occupation, mon café était surtout fréquenté par des Boches.

Le dimanche 30 juillet, vers 13H30 il est venu me chercher en me disant de le suivre et m’a emmené au bois de Kerluherne, en passant par le café de l’Océan, Place Gambetta et le café tenu par Mme RUAULT à la Madeleine où nous avons consommé. De là nous nous sommes dirigé vers Sainte Anne. Avant d’arriver au Pont de Kerluherne, MATEL m’a fait entrer dans le bois qui est à gauche de la route. Nous avons atendu un bon moment, il fallait parait-il avoir l’ordre du lieutenant..

Dans le bois, le nommé MATEL a déniché une mitraillette, il me la fait voir et voulait s’en servir pour me descendre ; depuis notre départ il attendait l’ordre de son lieutenant ; ne l’ayant pas reçu et ne voulant pas me descendre, il a recaché sa mitraillette. Il était environ 17H.

Il a profité de la circonstance pour abuser de moi et m’a demandé une somme de 20.000 frs. Ensuite m’a relâchée en me donnant rendez-vous chez moi vers 19H. Je suis parti seule et me suis arrêté en cours de route au café RUAULT, déjà précité, et où j’ai pris une consommation. Je suis rentré chez moi, 18 Heures.

A ce moment, j’ai ouvert le café, ma bonne étant là, c’était elle qui servait quant à moi, je restais au comptoir à côté d’elle.

J’ai vu toujours vers 19 heures arriver MATEL, qui était suivi de  LE CAM et MAHE, sont venus le rejoindre. MAHE je l’avais déjà remarqué au café RUAULT à la Madeleine; Un des trois hommes a demandé à ma bonne à quelle heure je fermais mon café et se sont intéressés au départ des militaires allemands.

.A ce moment, j’ai eu peur car ils étaient ivres j’ai demandé à ma vosine Mme Préjean d’avertir ma bonne et qu’elle vienne me rejoindre à la Feldgendarmerie. Quant à moi, je suis partie téléphoner aux Feldgendarmes depuis la Caserne de la Bourdonnaye. J’ai dit au téléphone que l’homme qui était venu m’attaquer chez moi était dans mon café et consommait avec ses camarades, les nommés LE CAM et MAHE. Je suis resté à la Bourdonnaye environ ¾ d’heure puis je me suis rendue à la Feldgendarmerie. J’ai trouvé la bonne dans une pièce au 1er étage ma bonne y était déjà, plus tard dans la soirée, on m’a mis en présence de Mme RUAULT. A ce moment là je lui ai dit « que je défendais ma peau ayant été attaquée à main armée dans la journée ». Ma bonne et moi avons couchées ce soir là à la Feldgendarmerie.

La Feldgendarmerie à Vannes était située rue des Fontaines, certainement à la place de l'hotel Desne-Dolo, à l'opposé de l'église de saint-Patern. Léontine LE YONDRE et sa bonne Simone PASCO pouvaient dormir dans les anciennes chambres de l'hôtel.

719 001

Le lendemain matin, lundi, je n’ai pas bougé de la Feldgendarmerie nous sommes parties ma bonne et moi avec les feldgendarmes à Auray. Nou sommes passsés par Arradon, j’avais du linge à y déposer. A notre retour, il était 12 heures 30 environ, nous avons mangées chez Dréano . Avant de déjeuner, vers 11H30, on est venu me chercher dans ma chambre pour voir si je reconnaissais un homme qui était allongé par terre, la figure tuméfiée, j’ai reconnu l’agresseur de la veille, ensuite nous sommes allé manger ma bonne et moi au café Dréano accompagnée de gendarmes allemands. J’ai dit au feldgendarmes qu’il m’avait sauvé la vie et qu’il avait empêché ses camarades de me descendre.

L’après-midi, vers 15 heures 30, ils sont venus me chercher dans la chambre, Ils m’ont habillé en sous-officier allemand pour aller reconnaître les agresseurs de la veille. , ils donné une capote allemande, une casquette et une paire de lunettes noires. Je suis montée dans la voiture habillée de cette façon, nous avons pris la rue des Fontaines, place Lyautey, rue du Mené, rue Hoche, toute de Sainte Anne, et nous nous sommes arrêtés au pont de Kerkuherne.

Il y avait deux voitures allemandes et neuf boches. Ils ont commencés à fouiller le bois, après m’avoir demandé où se trouvait la mitraillette de MATEL, nous avons fait des recherches dans tout le bois  mais je n’ai pu retrouver l’endroit ; voyant que l’on ne trouvait rien nous sommes allés à la ferme Le ROUX à Kergrain que je connaissais pas  qui se trouvait pas loin de là.  

Mme LE ROUX était au champs avec deux ou trois personnes ? Je suis allé moi-même lui demander si son fils n’était pas lieutenant. J’ai ajouté ‘’pourtant les Allemands disent qu’un lieutenant terroriste loge chez vous. Mme RUAULT a nié.  Les Allemands lui ont demandé de les suivre à la ferme. Auparavant ils avaient cerné celle-ci. LE ROUX ne se trouvant pas à la ferme, ils sont allés le chercher et l’ont ramené Alors que nous nous trouvions les Allemands et moi dans la cour, le fils LE ROUX est arrivé. Les Allemands l’ont frappé et l’ont contraint à ce mettre  contre un mur les bras en l’air, tout cela c’est passé en ma présence. C’est à ce moment qu’une personne agée que je ne connaissais pas est venue demander à Mme LE ROUX s’il elle pouvait lui prêter une charrette et un cheval pour emmener une bête qui était malade. Les Allemands ont cru qu’ils complotaient. J’ai dit à l’interprète que les paroles de ces personnes étaient correctes. Ils ont appelés la belle-fille, Mme LE ROUX et la personne âgée et les ont placé contre le mur, dans la même position que le fils. Ensuite ils ont fouillé la maison. Pendant ce temps j’étais dans la cour avec deux Allemands. Ils ont demandé au fils LE ROUX ses papiers, quel métier il exerçait, il a reconnu de lui de menuisier. L’Allemand lui a demandé à plusieurs reprises s’il était Lieutenant, à chaque fois il a répondu « Non ». ils l’ont encore frappé puis l’ont remis au mur. Tout cela se passait en ma présence. Lors de la perquisition, les Allemands ont trouvé un costume de soldat de couleur kaki, ils lui ont demandé d’où il provenait l’ont obligé à la prendre et à les suivre. LE ROUX marchait devant moi vers les voitures, il est monté dans la première, moi dans la seconde avec trois Allemands et nous nous sommes rendus à la Feldgendarmerie. Ils m’ont demandés si je connaissais le nommé LE ROUX, je leur répondis que non, ils ont fait monté LE ROUX dans la voiture en le frappant et en le bousculant ; quant à moi, je suis montée dans la seconde et nous avons fait la route vers la Feldgendarmerie.

En cours de route, j’ai enlevé l’uniforme boche que je portais. A notre arrivée, j’ai quitté le costume de sous-officier allemand. Le soir, moi et ma bonne avons soupé au Café Dréano et couché à la Feldgendarmerie. Le mardi, j’ai déjeuné chez Dréano. Vers les 15 heures environ je me suis rendu accompagnée d’un Allemand chez Choubert. Le soir après diner, je me suis rendu vers les 20 heures, et accompagné de duex Allemands, chez moi, en traversant la cour de la gare. Nous avons rendu visite à Mme MAHE qui habite rue de Strasbourg prolongée, pour prendre la gérance du café ; Mme MAHE nous a offert une consommation et nous avons trinqué ensemble, m abonne m’accompagnait. Le soir, j’ai couché au Cheval Noir avec ma bonne.

Le soir je me suis rendu, accompagnée de ma bonne et d’un Allemand chez Dréano où nous avons déjeuné. Après déjeuner, je me suis rendue à la Feldgendarmerie, pour leur demander de me conduire à Arradon. Ils ont alors accepté car ils se rendaient à Auray, et afin de me rendre service, repassèrent le soir à Arradon. Nous sommes rentrés vers 18 heures, avons soupé le soir chez Dréano et couché au Cheval Noir.

Le jeudi, nous sommes allées, ma bonne et moi, à la Feldgendarmerie pour y prendre son vélo, car elle avait l’intention de se rendre chez elle, c’est alors qu’un Allemand est venu la chercher pour la conduire à l’hôpital parce qu’elle avait contaminé un soldat allemand. J’ai déjeuné seule chez Dréano, vers 14 heures. L’après-midi, je me suis rendu seule, rue Pasteur, afin d’essayer de trouver une occasion pour partir, j’ai quitté Vannes par un camion dont je ne connaissais pas le chauffeur. Je suis allé à Paris où j’ai pris en gérance un café, au 7 rue Victor Hugo à Charenton où l’on est venu m’arrêter le 18 octobre 1944.

Je regrette tout ce que j’ai fait, je l’ai fait sans aucun ordre je n’ai jamais touché d’argent et ne suis inscrite à aucun parti politique.

A Vannes le 23 octobre 1944.

Lu persiste et signe.

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