La ferme de Bilherbon est connue des Sinagots et des touristes. Située sur la route qui va du bourg au Passage, ces vieilles batisses coincées en léger contre-bas d'une digue font face à l'anse de Mancel et plus loin au Golfe du Morbihan (lire Histoire de l'Anse de Mancel). Elle est d'autant plus connue, qu'elle abrite une entreprise équestre qui propose des balades en calèches dans notre commune. Le promeneur peut en effet observer sur ces terres drainées, des pouliches et autres chevaux paitre l'herbe grasse. Comme on le verra, la présence de chevaux à Bilherbon ne date pas d'aujourd'hui...
Cette vue aérienne nous montre la route-digue avec au nord des parcelles de terres tirés au cordeau, dessinant autant de chenaux drainant l'eau vers l'anse de Mancel. Tout autour de ces terres, la ferme d'Ozon avec ses serres et ses retenues d'eau, le village de Cressignan et celui de Kerleguen.
Le lieu a pourtant profondément changé au cours des derniers siècles. Cette vielle carte datée de 1700, indique déjà la place d'un moulin du Harbo. Un moulin? Les terres alluviales où paissent les chevaux sont le lit d'une ancienne anse summersible qui s'est comblée avec le temps. Cette retenue d'eau abritait une moulin à marée comme jadis aussi à Cantizac. (Lire histoire des moulins).
La carte de Cassini, de la fin du XVIII°siècle, représente mieux la présence d'une anse d'eau de mer barrée par une digue et son moulin à marée.
A marée montante, l'eau gagnait le fond de la anse. A marée basse, l'eau regagnait la mer actionnant au passage la roue du moulin.
Cependant, avec le temps et l'érosion, l'anse naturelle s'est comblée et sa capacité motrice réduite. Au temps de Napoléon, le moulin n'est plus figuré. La retenue d'eau est devenue un étang d'eau douce que les populations vont finir par drainer et assécher.
La feuille du cadastre de 1845 nous montre la zone qui va de l'ancien étang jusqu'au rivage du Golfe du Morbihan. Edouard LOROIS [1792-1863], qui sera Préfet du Morbihan, est parvenu à faire construire une digue entre la pointe du Bil et l'ïle la Villeneuve, créant aini un polder aménagé en terres agricoles et en marais salants. L'agrandissement ci-dessous montre l'emplacement de la ferme de Billorois. Il la vendra à Auguste Marie SEPTLIVRES [16/11/1783-2/11/1860], agronome, natif de Saint-Malo, qui en chagera le nom pour Bilherbon, revenant aux origines du lieu.
Lors du dénombrement de 1845, la ferme de Bilherbon est prospère et emploie un contre-maître, Joseph HAMON, sa famille et des gens de maison. En contre-bas de la digue, une construction aujourd'hui disparue.
On produit à Bilherbon, du foin sur les pâtures gagnées sur la mer, des pommes dans des vergers aménagés et les parties les plus humides sont propices à la culture de peupliers, comme en témoigne cette annonce parue dans le Courrier du Morbihan en 1854.
Cette même année, la famille Septlivres, qui vit désormais à Nantes, met en vente la ferme de Bilherbon qui offre 113 ha de terres dont 43 ha de prairie pour le foin (fauchables) et 29 ha de terrres labourables et 41 de prés.
La ferme de Bilherbon est alors acquise par la famille malouine de Felix Jacques O'MURPHY [29/3/1795-9/7/1876] et son épouse Caroline de BREIL de la CANNELAYE de Pont Brillard [4/6/1804-10/10/1884], comme nous l'indique cette purge d'hypothèques.
Elle est revendue ensuite à la famille De Castellan-Bouan. Henry François Joseph BOÜAN de CHEF du BOS [15/11/1835-31/3/1918] la scinde en deux lots vers 1901. Les terres au sud sont acquises par le marchand de bois BROUARD, sans doute à l'origine du bois de la Villeneuve. Il revendra à M. FLEURY qui installera une ferme modèle.(Lire histoire de la Villeneuve). La ferme et 66 ha de terres attenantes sont acquis par Anna Eugénie JEGO et son mari Jules ROHLING, banquier, comme stipulé dans son acte de mariage.
Jules Louis Frédérik ROHLING [20/6/1863-8/8/1938] est né à Amsterdam. Il épouse à Bordeaux le 5/11/1901, la lorientaise Anna Eugénie JEGO. Le citoyen hollandais aura-t-il été séduit par ces terres de polder lui rappellant son pays natal? Il finira ses jours à Cognac, où les Hollandais sont établi comme distillateurs et négociants d'alcools.
Au début du siècle dernier, Jules ROHLING emploie à la ferme la famille Boché dont les membres seront cultivateurs jusqu'à la guerre de 14-18. La famille sera meurtrie par ce conflit, comme nous le rappelle cette généalogie. Sur les 7 enfants, les 5 garçons seront mobilisés. Joseph Marie et Louis Marie n'en reviendront pas. Bien que natifs de Séné, leurs noms figurent au monument aux morts de Vannes, ville où étaient établis ces jeunes hommes avant la mobilisation.
Pierre BOCHE se livre à l'élevage de chevaux comme nous l'indique ce prix reçu en 1900 avec un autre Siangot, Criaud, installé à Keravelo. Ces deux terroirs de Séné, Keravelo et Bilherbon, possèdent des praires drainées par des canaux, propices à la pousse de l'herbe et au sécahge du foin pour les chevaux.
Pendant la guerre, les Autorités Militaires occupent la ferme sans doute pour les besoins de la cavalerie.
Après guerre, la ferme semble inhabitée, on ne la retrouve pas indiquée au dénombrement. Les terres sont alors cultivées par Théodore LAUDRAIN. En 1927, une association syndicale se met en place pour entretenir la digue de Billorois. Mme ROHLING, qui vivait à Vannes, est propriétaire de la ferme. En 1928, le dénombrement nous indique un changement de fermiers. Pierre Marie LE PELVE [21/10/1877 Vannes - 7/7/1954 Séné] et son épouse sont cultivateurs à Bilherbon.
M. et Mme ROHLING se font âgés; ils ne concourrent pas à la protection de la digue; une première inondation a lieu en 1927. La ferme est mise en vente par décision judiciaire en novembre 1934.
Elle est acquise par la famille LE PELVE en 1934-35. La deuxième rupture de la digue intervient en avril 1938; la guerre éclate en septembre 1939. L'anse de Mancel restera engloutie par la mer.
La famille LE PELVE perd quelques hectares de terre et des moutons noyés par l'innondation. Malgré ce drame, elle demeure propriétaire de Bilherbon pendant la guerre et jusqu'aux années soixante. La propriété est alors scindée entre deux membres de la famille. Une partie est vendue mais l'autre reste encore propriétés des héritiers de Pierre LE PELVE.
Depuis, les terres de Bilheron accueillent quelques chevaux et on ne fane plus les foins en été.