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mardi, 13 juin 2017 16:55

HERVE, malgré le courage des sauveteurs de Roscoff,1889

1892 Hervé Joseph DECES

Cet acte de décès recèle de multiples précisions sur la disparition de Joseph Pierre Marie HERVE [18/06/1870 Langle 3/02/1889].

On comprend que le marin, natif de Séné, a péri lors du naufrage du vapeur VENDEE. Le navire du capitaine Pierre Regent et les 13 hommes qui formaient son équipage, a disparu corps et bien non loin de Roscoff, près de la grève Santec, dans la nuit du 3 au 4 février 1889.

On retrouve la famille HERVE dans le registre du dénombrement de 1886 établie au village de Langle. Le père est douanier à Séné, son épouse est mère au foyer composé de 7 enfants. Joseph HERVE, est l'ainé et déclare l'activité de marin.

1886 HERVE famille Langle

Sa fiche d'inscrit maritime consultable au Service Historique de la Défense à Lorient, nous dresse le parcour du jeune marin. Il débute en tant que mousse le 18 mars 1883, à l'âge de 13 ans, sur la goélette LA DEBUTANTE à Vannes. Le 16 avril 1888, il  est novice sur le trois mâts CONFIANCE et il embarque sur le vapeur VENDEE le 24/09/1888.

1883 HERVE Joseph Mousse

Le registre des armements de Rouen confirme la disparition du bateau à vapeur VENDEE au large de Roscoff.

Le vapeur VENDEE est un navire de cabotage de 467 tonneaux construit en 1875 Forges et Chantiers de la Méditerranée à La Seyne pour le compte de la Société des Chemins de Fers de Vendée puis acheté par Flornoy, armateur à Nantes, en janvier 1887 pour la somme de 70.000 francs. Sa coque à 64 m de longueur sur 8 m de large il est équipé d’une machine d’une puissance de 300 chevaux. Au moment du naufrage il fait route depuis Pasajes, au pays basque espagnol (Pasaja en basque) pour Rouen avec un chargement de vin espagnol en barrique et d’alcool.

1888 VENDEE Hervé Armement

Une recherche sur la presse d'époque permet de retrouver des articles qui relatent le naufrage du vapeur VENDEE. On comprend que des sauveteurs au départ de Roscoff ne réussirent à rejoindre le navire qu'à la 2° tentative, le lendemain vers 4 heures du matin. Le bateau gisait sur le rocher Reyer Doun près de la grève de Santec.

1889 HERVE VENDEE naufrage presse

1889 VENDEE santec

1889 VENDEE Rocher Santec

 

On poursuit nos recherches sur Internet et on finit par trouver un site qui relate les efforts des sauveteurs pour atteindre le vapeur VENDEE ce 3 février 1889.

https://www.histoiremaritimebretagnenord.fr/gens-de-mer/gens-de-mer-1/

Le 3 février 1889, le naufrage du vapeur Le Vendée dans les roches de Santec.
Esprit Le Mat [1838-1905] Pilote et patron du canot de sauvetage de Roscoff.

Rapport du comité de Roscoff à la Société Centrale de Sauvetage des Naufragés, sur les deux sorties faites par le canot de sauvetage de Roscoff dans la soirée du 3 et la nuit du 3 au 4 février pour porter secours au vapeur français Vendée de Nantes, naufragé sur les rochers de Santec, commune de Roscoff.

Première sortie :

Le dimanche 3 févier, courant à cinq heure du soir, monsieur le commissaire de l’Inscription Maritime à Roscoff recevait une dépêche des guetteurs du sémaphore de l’île de Batz, signalant un vapeur en détresse à trois mille dans le N-O et dérivant sur l’île de Batz.

Le comité aussitôt prévenu fit lancer le canot à cinq heures quarante-cinq. Il ventait en tempête du N.N-O, et le fort courant de flot de grande marée, poussé encore par la violence du vent rendait la sortie des plus difficiles. Néanmoins le canot de sauvetage, longeant la jetée de Roscoff, fit route à l’aviron pour essayer d’atteindre l’entrée ouest du chenal ; jusqu’à sept heures du soir l’équipage lutta et fit des efforts désespérés pour doubler la pointe du fort Lacroix, mais la force des grains de grêle et de neige était telle que le canot n’avait pu gagner au vent que huit cent mètres environ. 

1889 VENDEE Le Mat

Esprit Le Mat (1838-1905) Pilote et patron du canot de sauvetage de Roscoff

Le patron LE Mat, voyant ses canotiers exténués, se décida à revenir à l’abri de la jetée pour leur donner du repos, remplacé les plus fatigués et attendre le renversement du courant.

L’équipage était composé pour cette première sortie de : 1 Le Mat Esprit, patron ; 2 Roignant Charles 2ème patron ; 3 Saout Louis ;4 Créach Paul ;5 Masson Joseph fils ; 6 Auttret Victor ; 7 Le Mat esprit fils ; 8 Creignon Pierre ; 9 Kerenfors Jérôme ; 10 Le Duc Hervé ; 11 Grall Ollivier ; Provost Jean

1889 VENDEE équipage partieUne partie de l’équipage du canot de sauvetage

Esprit le Mat fils, Joseph Masson, Louis Saout, Joseph Corre Esprit le Mat père et Charles Roignant

A six heure cinquante-cinq, nouvelle dépêche des guetteurs de l’île de Batz ainsi conçue : « Perdu de vue vapeur signalé en détresse à deux milles S-O Dérive sur l’île de Sieck : perte presque certaine »

Deuxième sortie

La nuit et les grains de plus en plus fréquents rendaient la situation de plus en plus critique ( à la nuit les guetteurs avaient perdu de vue le vapeur). Essayer de franchir à cette heure les brisants de la passe ouest, c’était exposer à une mort certaine l’équipage du canot. Il n’y avait donc en l’état que deux partis à prendre : ou laisser le canot à l’abri jusqu’au jour ou profiter des dernières heurs de jusant pour atteindre l’entrée du chenal ; ce dernier parti n’était pas sans danger pour les sauveteurs, mais il offrait une dernière chance de salut pour les malheureux en détresse. Le patron Le Mat et son vaillant équipage insistant pour le prendre, le comité local fut unanime pour l’approuver.

A dix heures et demie du soir, après avoir laissé à terre les trois canotiers Le Duc, Grall et Provost (que leur fatigue extrême rendait incapables) et les avoir remplacés par les nommés Frout Baptiste, Saout François et Guyader François, le patron Le Mat reprenait la mer avec les autres hommes du premier équipage dans lesquels il avait toute confiance et le nommé Le Mat Jean-Marie.
A deux heures du matin le canot atteignait la pointe Ouest , côté sud de l’île de Batz ; aucun feu n’indiquait la position du navire, il y avait impossibilité absolue, du reste, à franchir dans l’obscurité les brisants de la passe ouest. Le patron Le Mat se décida alors à jeter l’ancre à l’entrée d’une petite crique dite Pors Reter et y attendre le jour. On avait parcouru trois milles. Mais à ce moment le vent sauta N. N-E, l’ouragan se déchaina dans toute sa force, l’ancre commença à chasser et les lames du brisant poussée par un ressac furieux, venait briser continuellement sur l’arrière du canot. La position devenait critique, l’ancre fut levée et sans hésitation le patron dirigea son canot dans l’intérieur de l’anse où il mouilla par une brasse d’eau.

1889 VENDEE canot sauvetage


Au jour profitant d’une espèce d’accalmie le patron le Mat put se rendre compte de la position du vapeur qu’il aperçut coulé dans le sud des récifs du toc (Rocher de Santec) en Roscoff. Sa mâture (Goélette latine) émergeait à trois mètres au dessus de la pleine mer, son fanal de position, éteint, pendait au mât de misaine et son pavillon français en berne flottait en loques à son grand mât. Un mille et demi environ séparait le canot de sauvetage du navire naufragé, qui d’après les renseignements fournis depuis par les guetteurs dut faire côte vers huit heures du soir. Le vent hala le N-E et l'ouragan reprit toute sa force. Le ressac balayait les rochers sur lesquels le canot de sauvetage eût été broyé s’il eût essayé de les explorer. Tout était fini, nos sauveteurs avaient fait leur devoir.

Le patron Le Mat et ses canotiers interrogèrent une dernière fois l’horizon, ils ne virent rien, il était alors huit heures du matin. A neuf heures le canot était assez heureux pour atteindre sans avaries, par une mer affreuse, le port de Roscoff ; il n’était que temps. Les familles et le comité ne voyant rien paraitre au jour n’étaient point sans inquiétudes. L’équipage épuisé, presque anéanti par le froid, était à bout de forces.

Neuf heures et demie -La tempête continue, le canot a été monté dans sa maison abri et tout est prêt pour une nouvelle sortie si quelque navire en détresse était signalé. Le canot s’est bien comporté et l’équipage a toute confiance.

Midi -L’état de la mer ne permet pas d’approcher l’épave qu’on suppose être Vendée de Nantes, d’après quelques notes trouvées à la côte, allant de passage à Rouen.

Une heure - La côte est couverte d’épaves (barrique de vin).

Le président du comité,

Ludovic le Dault

 

Le Service Historique de la Défense à Brest conserve le "rôle d'équipage" du Vendée, c'est à dire la liste des matelots embarqués.

1889 VENDEE Role 1888

Après le naufrage, l'administration maritime s'est attachée à régler les salaires des marins péris lors du naufrage, si bien que l'on peut déduire de ce document qui comporte 21 noms de marins, la liste des 15 matelots embarqués lors le dernier voyage du VENDEE.

Parmi ces noms figure un marin de Séné, Joachim LE DORIOL [21/05/1858 - 2/02/1889]. On lit sur le rôle d'équipage, qu'il fut débarqué au port de Pasajes et conduit à l'hôpital de la ville. Il échappa ainsi au naufrage mais il mourut de maladie à l'hôpital. Son acte de décès sera retranscrit à Séné. Ainsi parle-t-on de 14 marins naufragés.

1889 VENDEE LE DORIOL

1889 VENDEE LE DORIOL décès

 

Epilogue :

Le corps du capitaine Pierre Régent fut rendu par la mer sur la côte de Saint Pol de Léon où il fut authentifié par son fils et inhumé.

Le lendemain du naufrage, une barque du Theven, à la faveur de la marée basse, put atteindre l'épave et recueillir les corps de trois hommes réfugiés dans la cuisine du navire. Agés d'environ 18 ans, 26-27 ans et 28-30 ans, mentions sur les actes de décès, ces malheureux ne purent être identifiés à l'époque. Sur ordre du maire de Roscoff, les vêtements des noyés furent empaquetés, déposés à la mairie de Roscoff et les dépouilles placées dans des cercueils marqués 1,2,3 puis inhumées.

Un mois plus tard, Adrien Caroff, cultivateur au Jugant, en Santec, découvrait sur les Reyer Doun le corps non identifiable d'un homme de 20 ans qui, ayant échappé à la noyade, avait trouvé un refuge précaire sur les rochers et y mourut de froid. (Source Jean-Claude le Goff).

Peut-on déterminer qu'elle est l'identité des 4 corps de marins inhumés avec celui de leur capitaine?

Le "role d'équipage" transmis par le SHD de Brest comporte la liste des 14 marins payés jusqu'à la date du naufrage ainsi que leur date de naissance.

Pierre Marie Victor REGENT né en 1848, capitaine

François Firmin Chrsitophe RAVILLY né en 1842, second

Elie Charles CHANTREAU, né en 1863, lieutenant, âgé de 26 ans

Adolphe DUCOURNEAU né en 1849, 1er mécanicien

Emile SEGUIN, né en 1855, 2° mécanicien

    Léon BAILLY né en mars 1874, mousse de 15 ans.

     Yves Marie L'ECUYER, né en 1848, matelot

    Pierre Marie JAOUEN, né en 1864, chauffeur, âgé de 25 ans

    Jules Isidore FIQUET né en 1864, chauffeur, âgé de 25 ans

    Jean Marie HELLO, né en janvier 1868, matelot âgé de 21 ans. En rapprochant deux documents, rôle d'équipage et acte de décès, le numéro d' inscrit maritime permet de déduire que la marin HELLO était dans les cuisines et son corps fut donc retrouvé et inhumé.

1889 VENDEE HELLO n3829

1889 Roscoff 3829

   Yves LE PENNOU, né en 1859, âgé de 30 ans, etait le cuisinier à bord. Son âge et sa fonction laissent pensé que l'un des trois corps retrouvés dans les cuisines du VENDEE est bien le sien.

1889 VENDEE LE PENNOU cuisinier

   Alexandre Joseph BERNIER né en mai 1869, est un des chauffeurs à bord du VENDEE. Il est âgé de presque 20 ans. HELLO du même âge ayant été identifié, BERNIER semble donc être le marin qui put se réfugier sur le rocher Reyer Doun.

Quant au 3° marin retrouvé dans les cuisines, il est décrit comme ayant 18 ans.

1889 Roscoff Cadavre 18 ans

Deux marins répondent à cette description: Joseph Pierre HERVE, né en juin 1870, matelot âgé d'un peu plus de 18 ans et Armand Ernest BINDEL né en février 1872, âgé de 17 ans, à moins que cela soit vraiment notre Sinagot, Joseph Pierre HERVE [18/06/1870 Langle 3/02/1889].

VENDEE HERVE   

  VENDEE BINDEL