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jeudi, 01 juin 2017 22:53

CLOAREC, naufragé à Ouessant, 1902

Un extrait singulier dans le registre de l'état civil de Séné permet de mener un autre enquete sur le marin Jean Marie CLOIREC. On lit difficilement le nom du bateau sur lequel il était embarqué et sur lequel il périt le 31/01/1902.

1902 CLOAREC Naufrage Charanal

On poursuite la recherhce pour trouver son acte de naissance qui nous indique qu'il naquis au village de Montsarrac le 3/04/1873. Patiemment, on finit par repérer dans le dénombrement de 1891 la composition de la famille CLOAREC.

1891 CLOAREC Monntsarrac

Comme tous les marins, il a un dossier au Service Historique de la Marine à Lorient. On y apprend qu'à l'âge de 12 ans, le 19/02/1885 il est mousse sur le Valérie Victoire, un canot de Vannes. Il deviendra novice le 5 mai 1891 sur le lougre Adrien. En juillet 1893 est rejoint le 3° Dépôt des Equipages à Lorient pour y accomplir sa conscription. Il sera mis "en congé illimité" le 24/07/1898.

1878 CLOAREC Mousse

Son doisser nous indique également quel furent les derniers bateaux surlesquels il fut marin. Le 24 janvier 1902, il embarque sur la trois mats CHARANAL pour un voyage qui doit amener le bateau de Nantes vers Port Talbot en Cornouilles en Angleterre.

1903 CLOAREC Dernier Bato

Fort de ces précisions sur la vie du marin CLOAREC, on part à la recherche sur internet du naufrage du bateau CHARANAL en janvier 1902. Rapidement on retrouve une page internet où un pasionné d'histoire maritime nous livre le compte rendu de l'unique survivant de ce naufrage avec moulte détail sur la manoeuvre des voiles du trois mats.

"Au large d'Ouessant, le trois-mâts français Chanaral (1420 tx) en route sur lest vers Port Talbot, se retourne dans la tempête et disparaît avec 21 membres d'équipage. Il n'y a qu'un seul survivant, le Second qui, dans son rapport de mer, décrit les circonstances de la perte du navire.

Je soussigné Le Grand, second capitaine du navire Chanaral, du port de Dunkerque, appartenant à MM. Antoine-Dominique Bordes et Fils, armé de 22 hommes d'équipage, le grand panneau condamné, déclare être parti de la rade de Saint-Nazaire le jeudi 30 janvier dernier, à destination de Port-Talbot. Ayant à bord 700 tonnes de sable comme lest, avec un bardi soigneusement fait au milieu, nous sommes partis de Saint-Nazaire à 4 heures du soir à la remorque et sous la conduite d'un pilote.

1902 CLOAREC voilure trois mats

Il ventait forte brise du Nord-Est et le baromètre était très haut.

A 6 heures du soir, après avoir largué le remorqueur et débarqué le pilote en dehors des passes, nous établissions les trois fixes, le grand foc, le petit foc et les voiles d'étai majeures. Pendant la nuit, rien d'anormal, tout étant en ordre à bord et saisi en cas de mauvais temps. A 11 heures du soir, nous étions dans l'Ouest du feu de Belle-Ile.

Le lendemain, 31 janvier, à la pointe du jour, le capitaine fait établir la misaine et l'artimon. Toujours forte brise du Nord Est qui tend à hâler l'Est. A 9 h 30 du matin, nous apercevons le phare de l'île de Sein et vers midi, le vent fraîchissant toujours de plus en plus, serti le grand foc, la misaine, les voiles d'étais, le perroquet de fougue et nous restons en cap tribord amures, sous nos deux huniers fixes, le petit foc et l'armiton.

Dans la soirée, il vente en tempête et la mer grossit de plus en plus. Le baromètre se maintient toujours très haut. Le navire en cape donnait de violents coups de roulis, mais se comportait très bien et rien ne nous laissait prévoir le dénouement fatal qui nous attendait quelques heures plus tard. Le maître d'équipage se trouvait de quart de 8 heures à minuit lorsque vers 10 heures et demie du soir, le navire se trouvant à environ 70 milles dans le Nord-Ouest de l'île d'Ouessant, il vient nous prévenir, le capitaine et moi, que le navire était engagé et que nous nous trouvions sur trois quilles.

Aussitôt le branlebas fut ordonné pour tout le monde et manoeuvrant nous essayâmes de virer de bord lof pour lof. Mais le navire était déjà tout chaviré sur bâbord et ne voulut obéir ni à son gouvernail ni à l'effet produit par les vergues brassées dans le vent. Le navire se couchait de plus en plus et une heure plus tard toute manoeuvre devenait impossible, la mâture étant déjà dans l'eau.

On s'occupa alors des embarcations, seul moyen de salut qui nous restait, mais hélas, sur quatre il n'en restait plus qu'une.

Lorsque vers 11 h. 30 du soir, le 31 janvier, le navire coula et que je me cramponnais à la baleinière de sauvetage qui s'était dégagée de ses saisines, nous étions six réunis sur la quille de cette embarcation, dont trois matelots, un mousse, le 2eme lieutenant et moi.

Enfin après une nuit terrible de lutte et de souffrances, auxquelles mes compagnons n'ont pu résister, je me suis vu sauvé le lendemain. 1 février, à 11 heures du matin, par le vapeur norvégien Victoria, capitaine Andersen, duquel je n'ai qu'à me louer pour les services qu'il m'a rendus pendant que j'étais à son bord. Le vapeur, allant de Valence à Liverpool, a relâché à Falmouth pour charbonner et c'est dans ce port que j'ai été débaqué le 3 février, à 10 heures du matin. Tel est mon rapport véritable et sincère pour servir et valoir ce que de droit.
Fait à Falmouth le 4 février 1902. Signé Jean LE GRAND.

La nouvelle du naufrage est parvenue en Morbihan par la presse qui renseigne sur le rôle d'équipage et les ciscontances du naufrage. Le Charanal était parti chercher du charbon à Port Talbot au Pays de Galles et pour tenir sa gite emportait du ballast. Il devait après gagner le port chilien de Tocopilla sans doute pour y charger du guano.

Par mi les victimes du naufrage deux mousses et le marin sinagot Jean Marie CLOAREC.

1902 Chanaral CLOAREC Equipage